Troisième jour de chasse dans le Caroux et troisième séjour. Le vent se déchaîne avec des pointes à 90 / 100 kms à heure … il faut être venu là pour comprendre la difficulté de la chasse au mouflon. Aujourd’hui perché sur mon tree-stand et protégé par son support, un gros châtaignier tordu, je ne peux m’empêcher de me tenir pour ne pas être déstabilisé au plus fort de la bourrasque. Depuis trois ans tout y sera passé entre neige, verglas, froid glacial, pluie et du jour au lendemain chaleur estivale. Le Caroux ne s’apprivoise pas, ne se dompte pas, on subit cette nature majestueuse ou … on s’en va !
Je connais maintenant mon territoire mais comment espérer voir « le fantôme » avec ces vents tournants qui emportent mon odeur vers le vallon ? Mon affût est parfait dans cette talle, avec en conte-bas la coulée où j’ai aperçu des animaux traversant le ruisseau pour changer de pente et aller au soleil sur les plates-formes rocheuses. Mais c’était l’an dernier …
Soudain il est là devant moi, venu de nulle part et sans aucun bruit, de face et à 30m, des bananes de trois ans sur la tête, tel un bouquetin. Immobilité…et hop, disparu … trop de vent décidemment. Vers 15h je prends le parti de descendre dans la vallée, pour prospecter l’ex-territoire de Franck où je serai plus à l’abri : descente, pierriers, glissade, branches, suées… toujours le Caroux … et j’arrive en bas pour constater que j’ai cassé mon décocheur… la guigne. Je finis l’après-midi en m’entraînant au tradi , toujours avoir deux arcs au cas où .
Vendredi, dernier jour de chasse, le ciel est radieux et la température frise les 30°, à ne rien y comprendre. Yvan et Laetitia, chasseurs à l’arc locaux m’ont prêté leur décocheur … ouf !
Vu la taille de ma main de « betteravier » je choisi celui d’Yvan. Mais le système n’est pas le même que le mien, il faut pousser sur la corde au lieu de la tirer pour obtenir la prise, un coup à se rater quand on est pas habitué, mais je ne vais pas faire le difficile …quelques flèches d’entrainement et je grimpe. Je fais de nombreux arrêts afin de ne pas être trop en sueur et de ne pas sentir le fauve en haut. Assis dans un pierrier je scrute la montagne avec mes jumelles.
C’est alors que des pierres dévalent sur ma droite …des animaux, je reprends mon chemin et de nouveau du bruit sur ma gauche … c’est encore cuit, je suis repéré. Je suis à bon vent mais « le diable » a dû m’entendre, je débouche alors, sans trop faire attention, d’un couloir de buis pour arriver dans la châtaigneraie abandonnée et là tout va très vite : des pierres dégringolent sur ma gauche et je coupe la route à un beau mâle qui s’immobilise de profil droit à 6m de moi, puis un deuxième 4m à gauche , puis deux autres encore, je suis entouré, l’instant est magique et les regards intenses. Puis c’est la débandade mais je suis concentré sur le premier, la flèche est déjà sur la corde mais vient le tour du décocheur …. Un premier essai : le petit crochet lâche , un deuxième idem, un troisième bis répétita …. Le décocheur ne tient pas, je m’énerve, le mouflon s’en va, je réessaye, pareil, l’animal qui a envie de se faire tuer s’arrête à 18m et là enfin le verrouillage s’opère, j’arme mais deux branches me gênent, je m’incline et attends qu’il avance d’un mètre. Ce qu’il fait, la flèche part mais au malheur après autant d’agacements je lui place dans le cuissot controlatéral, un tir raté et un animal blessé …..
Je suis abasourdi et assommé de ma bêtise. L’animal part en trainant la patte, sans rejoindre le groupe et il semble vouloir s’isoler dans les genêts proches. Je décide de tenter une approche pour éventuellement le reflécher. A l’impact je retrouve une touffe de poils et du sang, beaucoup de sang… je progresse sur trente mètres et la trace rouge est ininterrompue …
Alors là je me mets à espérer un peu : fémorale ? Je m’assieds pour ne pas le relever stupidement, envoie un texto à Jeanne, notre guide du GIEC qui me retrouve trois quarts d’heure plus tard. La recherche ne dure que cinq minutes tellement le sang est visible et abondant, en haut d’une pierre plate il n’y en a plus, je m’inquiète mais je n’ai pas tout de suite vu que mon bélier avait dévalé dans un ultime saut, son regard s’éteignant sur la forêt cévenole ….
Je ne suis pas fier de ma flèche mais si heureux de sa conclusion. Ma Snufer, par ses trois lames, a sectionné l’artère fémorale permettant une hémorragie massive et une fuite de 70m à peine. Je tire avec mon Bowtech.
Je voudrais remercier Franck pour ses encouragements à continuer ma quête ainsi que les copains pour leurs si promptes félicitations ( 5 minutes après la fin de recherche les SMS pleuvaient déjà !!! )
Je dédie ce prélèvement à l’Amitié qui règne au sein de notre association.
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