C'est en effet "à l'aube, à l'heure où blanchit la campagne" que je pris place sur mon tree stand, installé quelques semaines auparavant dans un petit bois de sapin, sur la commune de Mer, à une portée de flèche de l'autoroute A10… C'est la raison d'ailleurs pour laquelle j'ai hérité du bracelet. Le chasseur à l'arc est opportuniste, tantôt un parc de château, tantôt un golf ou une réserve ornithologique, mais cette fois ce sont les camions espagnols qui se chargent du bruit de fond !
Malgré la pénombre, mais arrivant sur mon affut à mauvais vent, 3 chevreuils m'avaient repéré à plus de 150 m . Ils rentraient dans ce petit bois de1 hectare, seul au milieu des plaines de la "Petite Beauce". La première demi-heure ne fut ponctuée que par la vision d'un chevreuil dans un plaine voisine à plus de 100m, de quelques pigeons qui se dégourdissaient les ailes, et de merles bagarreurs qui se coursaient de branches en branches.
Puis, plus rien. Les minutes passent, les camions espagnols continuent leur descente hebdomadaire vers les terres andalouses, le vent d'ouest souffle assez fort. 90mn d'attente sont passées lorsque un mouvement à travers la végétation attire mon regard. Un lièvre sans doute ? Mes jumelles ne me confirment pas ce premier verdict. C'est l'oreille d'un chevreuil, puis la deuxième oreille, puis bientôt la tête, puis le corps tout entier, que je distingue à moins de 20m. Les épines noires m'empêchent toute tentative de tir. J'attends. Un deuxième, puis un troisième chevreuil (sans doute les mêmes qu'à mon arrivée) se décident à bouger un peu. Deux, trois,5 m en 3 minutes. Pour pouvoir tirer il leur faut couvrir encore une quinzaine de mètres, qu'ils effectueront en 10mn…C'est long ! Très long ! Ca y est, un animal se présente à 20m de profil. J'arme l'arc, le pin sur le thorax, la sucette au coin des lèvres (oui celle de la corde, lorsque vous supprimez l'œilleton…), le doigt sur la détente…et il lève brusquement la tête, et fait rapidement demi-tour (sacrée vent d'ouest… !).
Mais rien n'est perdu, je les aperçois encore à travers les épines noires. Au bout de quelques minutes ils recommencent le même manège, avec la même "lenteur" ! Mais là, j'ai compris la leçon, et je sais exactement où le vent diffuse mon odeur. J'ai une fenêtre de tir 2 ou 3 m avant que je mettrai à profit pour tirer mon animal. "Bis repetita". Le scénario se déroule exactement comme prévu et un beau chevrillard mâle se présente: le pin, la sucette, le doigt sur la détente…et le bruit caractéristique de la flèche qui touche son but. L'animal part dans le champ voisin et se couche au bout de 5 secondes. Les deux autres chevreuils, à peine apeurés par la décoche, sortent également sur la plaine et regardent intrigués leur congénère. C'est bientôt la fin, celui-ci ne pourra plus jamais les suivre. Le brocard et la chevrette s'éloignent alors, m'offrant leurs "miroirs" immaculés en signe de salut...
Arc Matthews, lame Stricke, atteinte foie, artère fémorale, fémur. Distance de tir 20m, distance de fuite 50m.
Philippe L
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