Même épuisé par une semaine éprouvante physiquement, car touché par une gastro-entérite qui n'en finissait pas, plutôt que de rester bien au chaud et faire la grâce matinée, je n'ai pas résisté à l'appel de la dernière matinée de battue sur une petite chasse à Selles Saint Denis (41).
La journée commence mal, car je rate le réveil, je peine à émerger, quand je me rends compte qu'il fait -4°C dehors, et pour couronner le tout, je casse mon grattoir et passe encore plus de temps à dégivrer ma voiture. A peine arrivé au rendez-vous, que je signe le registre de battue, que je m'empresse de rejoindre mon poste.
Le sol étant givré, je fais en sorte de faire le moins de bruit possible. Comme je le redoutais, avec ma semaine épuisante, je peine à grimper avec mon tressaddle dans mon arbre, mais je finis par prendre place à 4m. Je finis de m'installer et j'attends le début de la battue.
Cela fait déjà presque une heure que je suis en place, que le froid commence à se faire sentir au bout de mes orteils, il fait -2°C, je me dis que je ne vais jamais tenir toute la matinée.
J'essaye tant bien que mal de me réchauffer en pliant mes jambes, mes pieds, en basculant et en faisant un peu d'exercices du haut de ma plate-forme.
Lorsque la battue commence vers 9h00, je suis enfin prêt et bien réchauffé.
Les traqueurs arrivent dans mon dos avec leurs chiens, mais aucune menée ne se fait entendre, ni aucun coup de feu...
Les minutes me paraissent longues, très longues, lorsque le froid se fait ressentir à nouveau, et qu'il n'y a aucun mouvement, ni voix de chien, ni coup de feu... Il faut dire qu'à grimper dans les arbres depuis le début de la saison, je me rends compte que je supporte moins le froid, ayant perdu du poids par rapport à la saison dernière.
La battue suit son cours, cinq coups de feu se font entendre, et un seul chevreuil mort est annoncé. Je perçois au loin les traqueurs qui arrivent sur la dernière parcelle, et au vu du nombre de coups de carabine, je me dis qu'il n'y aura pas de sanglier aujourd'hui, comme la précédente battue... Il faut dire qu'au vu de la tendance du secteur, les tableaux de chasse sont de plus en plus maigres...
Soudain, j'entends des pas d'animaux sur les feuilles gelées, tels des chips qui croustillent, je perçois au loin au travers des baliveaux et des branches, une masse sombre, qui se dirige vers moi, et qui s'arrête juste sur l'accotement du chemin, tandis que je suis de l'autre côté, dissimulé par la végétation. Reconnaissant un chevreuil, je profite de sa pause, pour armer mon arc...
Je le sens hésitant, mais il finit par traverser le chemin pour reprendre la coulée. Lorsqu'il sort des buissons, je l'identifie comme un brocard, plutôt jeune, ses bois en velours ne dépassent pas les oreilles. Il arrive sur ma fenêtre de tir à bonne distance et s'arrête quelques secondes, j'en profite pour placer mon pin au défaut de son épaule, et sans rien comprendre, il fait demi-tour d'un coup...
Dans la fraction de seconde qui suit, je redoute qu'il parte au trot, mais il s'arrête 2m plus loin, et tourne sa tête dans ma direction... Ni une, ni deux, je lâche ma flèche, et j'entends le ploc caractéristique... Je vois ma proie qui s'effondre, couchée au sol et entravée par ma flèche à hauteur de colonne au niveau du cuissot. Il tente de se relever, mais les pattes arrière ne répondent plus... Il finit par se traîner avec ses pattes avant, mais ne pouvant abréger ses souffrances à l'aide d'une deuxième flèche, car dissimulé derrière la végétation, je décide de descendre de mon arbre, pour aller le servir avec ma dague... C'est avec quelques larmes que je le vois partir rejoindre les anges, tout en ressentant une émotion de tristesse et de joie, en ayant pu réaliser ce beau prélèvement tout en allant jusqu'au bout de mon acte de chasse... Merci Saint Hubert d'avoir été présent aujourd'hui à mes côtés.
Emmanuel L.
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