(territoire jamais chassé et pas nourri, il n'y a pas de secret, les vieux mâles s'y réfugient systématiquement...).
Le rendez-vous est suivi d'un traditionnel café-brioche-pâté-rouge, l'occasion de faire connaissance de la dizaine de personnes conviées : 4 chasseurs à l'arc, les autres seront armés de carabines, les uns et les autres postés à des endroits stratégiques du territoire, alors qu'Alexis et un ami traqueront, armés seulement d'épieux au cas où...
Je me retrouve posté à l'endroit d'où partent les traqueurs, non loin de Pierre, mon neveu, lui aussi armé de son arc. Plus d'une heure passe, je n'ai l'occasion de voir qu'un biche, tirable à l'arc, mais nous n'avons pas de bracelet (le papa d'Alexis n'en demande pas, pour les chevreuils non plus, il aime trop les voir chez lui). Lorsque plus tard je rejoindrais mon neveu, il m'apprendra qu'il a vu davantage d'animaux : 1 chevreuil et 7 cervidés, dont une bichette qui est passée à 4 mètres de lui (il a eu le temps de la voir arriver, de poser son arc, et de faire le geste d'armement lorsqu'elle est passée au pas, sans jamais le voir, dommage pour Pierre, et belle preuve de sang-froid pour son âge, il n'a que 17 ans, ça promets !).
Nous n'entendons plus rien depuis longtemps (le territoire est très vallonné et sale), quand j'entends un bruit de clochette qui s'approche : je quitte mon poste pour récupérer un des teckels des traqueurs, revenant sur ses pas
après avoir chassé des grands animaux. Je "taïaute" plusieurs fois dans ma pibole, pour signaler aux traqueurs que j'ai récupéré un chien : Alexis ne tarde pas à apparaître dans le gros layon central, nous descendons pour le
rejoindre et faire le point : "venez avec moi, on a fait tous les hauts, vous allez vous poster plus bas sur le refuites pendant qu'on termine".
Nous marchons tous 3 à bon pas, et lorsque nous rejoignons Nicolas, le second traqueur, je libère son teckel pour qu'il le rejoigne : le chien fait quelques pas dans le layon, puis saute dans le bois à notre droite en même
temps que les autres chiens qui nous avaient rejoints, et c'est parti, gros ferme à quelques mètres de nous !!!!
Sans un mot, les 3 compères agissent d'un réflexe commun (bande de prédateurs !) : Alexis et Pierre dévalent le layon pour essayer de se poster en-dessous, tandis que j'ai déjà jeté mon trépied et que je coupe dans le
bois au-dessus du ferme pour boucler par derrière... Manque de pot, je me casse la gu... dans un fossé, raté pour la discrétion, le sanglier quitte le ferme et descend entre nous tous, j'ai à peine le temps d'apercevoir une
grosse forme noire au plus profond des épines qui file à tout vent dans le fond de la combe... Merde... En tout cas, ça descend directement sur Marine, la 7 RM va parler, sans aucun doute !
Les chiens chassent, nous avons déjà pris le pas de course pour suivre la chasse, et lorsque nous rejoignons Marine, elle nous avoue ne pas avoir pu le tirer : le territoire est très accidenté, le gros mâle a utilisé toutes
les aspérités du terrain (fossés et rigoles) sans jamais se dégager, il est passé à 70 mètres d'elle en sous-bois, puis a pris le fond de la rigole de trop plein de la mare du dessus, sans jamais se présenter dans la pente qui
remonte derrière le poste de Marine, où elle l'aurait tiré dans de bonnes conditions... On ne devient pas grand mâle sans raisons, nous sommes tombés sur un malin !
Nous poursuivons la chasse, en remontant le lit de la rigole pour ressortir en bord des prés, au-dessus de la mare : un posté (carabine) informe Alexis que le sanglier n'est pas sorti, il a dû buter sur Xavier, il semblerait
qu'il soit resté dans le carré d'épines au-dessus de l'eau, pourtant leschiens ne disent plus rien...
Une nouvelle fois, chacun prend d'instinct sa place : Pierre part fermer par la gauche, Alexis et Nicolas prennent le bord à droite, quant à moi je prends le bord de l'eau pour m'embusquer dans le fond, avec de l'eau presque
jusqu'en haut des bottes, afin de garder sur la droite et sur la gauche les bordures s'il décidait de reculer à couvert. La végétation est dense, mélange de ronces, d'épines noires et de saules, quelques trouées seulement,
il faudra que je m'en contente si jamais il venait par là... s'il est resté, rien n'est moins sûr avec ces gros mâles expérimentés...
Les chiens sont mis à la voie, ils crient à pleine gorge, traversent l'enceinte, mais ressorte en plein clair sur le pré... pas de sanglier... J'entends Alexis prendre des infos auprès de Xavier, posté depuis le début
de journée sur la rigole au-dessus de la mare : le sanglier est bien arrivé par là 10 minutes plus tôt, il est sorti à une dizaine de mètres de lui, plein travers, s'est arrêté en gardant l'arrière-train dans les ronces, pour
juger s'il prenait un risque à sortir... Xavier n'est pas un débutant, le Black Widow était déjà armé, sa décoche a filé sur le défaut de l'épaule...mais la flèche s'est plantée en terre, le sanglier a sauté la corde, demi-tour dans l'enceinte, il est donc apparemment toujours dedans (en tout cas, une nouvelle preuve qu'un animal tiré arrêté en battue saute la corde à coup-sûr, même un gros mâle à 10 mètres...).
Alexis recule, remets les chiens dans l'enceinte avec Nicolas, les teckels, le Drathaar et le labrador crient à pleine gorge, le solitaire a compris qu'il est cerné, il tient le ferme et cogne fort dans les chiens... ça pète dans tous les sens pendant quelques secondes qui semblent une éternité, je pense aux chiens (pour une fois que je n'ai pas les miens, je sais ce que c'est, les postés n'ont jamais conscience du risque pris par nos fidèles compagnons à 4 pattes pour nous donner le plaisir de voir du gibier, souvent au péril de leur vie...).
Soudain, les chiens crient différemment, le sanglier vient de relever le ferme... il part sur la gauche, c'est pour Pierrot... non, finalement il recule... ça vient... tout va très vite : il surgit des épines, se jette dans le marécage et le lit de la rigole, franchis d'un bond sans ralentir, puis se jette dans les ronciers de bordure entre les prés et le fond où je me trouve... tout s'est passé très vite, à 11-12 mètres de moi, comme dans un rêve : pleine allonge, le sanglier court derrière un rideau de végétation, une seule fenêtre de tir quelques mètres plus loin, je décoche "dans le swing", la flèche vole et rentre aux dernières côtes jusqu'aux plumes, le sanglier n'a aucune réaction, je cours aussitôt derrière lui pour suivre les premiers chiens et précéder les suivants, afin de récupérer ma
flèche (je l'ai vu 30 mètres plus loin, l'empennage ne dépasse plus de son flanc, il a dû la perdre et je ne veux pas risquer qu'un chien se blesse sur la lame).
Je sors dans le pré, je plante ma flèche tordue dans le sol en bordure, pour la reprendre plus tard, le sanglier rentre tout juste dans le bois au nez des chiens, il n'avance pas, Pierre est derrière lui mais ne peut tirer sans
risque pour les teckels... Il se décale vers le haut de la vallée, Alexis et moi descendons derrière les chiens... Plus rien, Nicolas n'est pas là non plus, il ne reste que le fox d'Alexis et le Drathaar de Nicolas, qui ont
décroché...
Le sanglier a fuit en prenant son contre, il retournait en direction de Marine, nous descendons donc sur elle, il est bien touché, il ne devrait pas être loin, en tout cas sa 7 RM n'a pas retentit, il n'est peut être même pas
arrivé jusque là...
Arrivés auprès de Marine, nous prenons les renseignements : il est bien descendu par la combe jusqu'au devant de son poste, mais il n'est jamais sorti des gros ronciers ! Il y a un posté dans le pré au-dessus, la combe descend sous le poste de Marine dans du clair, elle l'aurait vu, il est donc resté là... Je me poste en-dessous, Alexis recule un peu avec sa fox, quand je l'entends "Il est là !"...
Je descends en courant dans le fond de la combe, puis remonte (bien moins vite) le versant opposé, très raide, et je trouve Alexis appuyé sur son épieu, qu'il vient d'étrenner (c'est la première fois qu'il s'en sert) : il a servi le sanglier agonisant, qui n'a jamais pu quitter le fourré, il s'est adossé à une grosse souche et a attendu le coup de grâce, sans bouger, sentant ses forces le quitter...
Fin de battue, les carabines arrivent, n'en croient pas leurs yeux, aucun coup n'a été tiré, pourtant un très beau sanglier repose dans un cadre sauvage et idyllique, comme un dernier hommage à un vieux mâle qui vient de
nous offrir une bien jolie chasse...
Matériel : arc Black Widow PTF 60 pouces, 55 livres à 28", flèche 22-19
armée d'une Grizzly 160 grains montée sur adaptateur alu long (poids total
680 grains).
Vincent Lalande
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