Les sœurs Tatin à peine oubliées, c’est un autre héros de cette bonne commune de Lamotte Beuvron qui nous accompagne aujourd’hui… En effet comment ne pas associer le célèbre « Auguste Pignard » à ce chef lieu de canton solognot. Les plus anciens se souviennent encore de ce personnage imaginaire, casquette vissée sur le crâne, mégot de cigarette sur la commissure des lèvres, couperose sur le nez, passé à la postérité grâce au Collaro Show. Les plus jeunes demanderont à leurs ainés ou à Google de quoi il en retourne…
Une flamme postale aurait pu indiquer : « Lamotte Beuvron, sa tarte Tatin et la maison natale d’Auguste Pignard », j’aurai pour ma part plutôt opté pour : « Lamotte Beuvron, La Gerbe : ses chevreuils, ses sangliers »
La dernière chasse collective du CABS de la saison, comme traditionnellement depuis quelques années, se tient à la Gerbe. Sébastien nous ouvre le territoire familial pour cette poussée silencieuse de fermeture. Les consignes sont « rondement » menées et la quinzaine d’archers présents ce jour là suivent bientôt leurs chefs de ligne. Mais quel accoutrement ! Qui un tree stand sur le dos ? Qui une chaise d’affut ? Ah…si, quand même, 3 ou 4 archers ne sont pas encore atteints de « grimpomania », et résistent à la tentation de se percher dans le premier chêne venu. La chasse à l’arc…le plaisir retrouvé : Un arc, une flèche, et hop ! vive la liberté. En trois mots c’est ce que l’on dit aux futurs chasseurs lors des journées de formations… S’ils savaient ??
Je n’échappe pas à la règle. Le tree stand sur le dos, les tree step en « ventral », la sacoche-banane-multipoches garnie à ras bord (belle invention les multipoches…plus il y en a, plus vous en mettez !), la trompe, les jumelles, le harnais de sécurité, et enfin mon arc et son carquois bien rempli (des fois que…)
Je dois rejoindre une ligne à quelques minutes de marche, et je profite de l’instant pour redonner les ultimes consignes à mes compagnons de battue. Le vent est un peu de coté, de « noroit » comme le dirait un bon hutteu du marais picard. La petite troupe s’égrène au fur et à mesure de notre avancée, et c’est à trois archers que nous entamons la dernière ligne droite. Un ultime fossé enjambé et nous relevons la tête…pour voir au loin une laie et 7 bêtes rousses sortir de l’enceinte et rentrer chez le voisin ! La faute à « Pas de chance » ou plutôt à un chasseur à l’arc sans doute un peu bruyant lors du montage de son affut ?
J’occupe le dernier poste, et remonte d’une bonne cinquantaine mètres dans la battue, le long d’un petit chemin bordé de beaux chênes. Je porte mon dévolu sur l’un d’entre eux. Ce secteur m’a porté chance il y a deux ans, lorsque j’ai pu y prélever une chevrette, peut être en sera-t-il de même aujourd’hui ?
Le rituel du montage est bien rodé. Tree step à sangles, platine du tree stand, puis pose du tree stand sur la platine. Rapide coup d’œil, puis élagage de quelques branches gênantes sur mes fenêtres de tir, et sur mon arbre. Le début de battue sonne alors que j’en termine avec mon « stand ». Je scrute les gaulis de châtaigniers à ma gauche pendant les premières 90 minutes en caressant l’espoir d’y apercevoir le chevreuil tant convoité. Mais c’est vain ! L’engourdissement me gagne. Je n’ai pas le temps de finir quelques exercices musculaires, qu’une masse noire apparaît au loin. Elle se rapproche au trot ; De 70 m elle passe très rapidement à 45 m. Elle décide de poursuivre sa route par le petit chemin. La «masse noire » se transforme très vite en un magnifique ragot solognot. Je me positionne sur ma plate forme… Les pieds, les épaules, Pick a spot… Le sanglier se rapproche : 15, puis 10, puis 5m.
Mon regard se porte entre les deux omoplates. A cet instant je pense à l’estocade du matador sur le taureau. Il faut que ma flèche se transforme en « estoc » et puisse atteindre les gros vaisseaux du cœur. Elle touche déjà son but et pénètre de 50 cm, là où mon œil me le commandait. Seul dépasse maintenant le cresting et les plumes fluo. Il part sur quelques mètres, mais se ravise très vite. Je le suis du regard. Il vacille, puis s’arrête deux ou trois fois sur une cinquantaine de mètres. Enfin, il disparait de ma vue. L’attente commence.
Je laisse passer les quelques minutes « réglementaires » puis file au devant de Sébastien que j’entends se rapprocher. En deux mots je lui dresse la situation et lui conseille de ne pas trop s’approcher avec sa chienne de la zone de tir.
Vincent qui n’avait pas perdu une miette du spectacle vient aux nouvelles. Je décide par commencer de descendre nos tree stand avant d’entamer les premières recherches. La chose fut faite prestement. Vincent piaffant d’impatience me rejoint dans les touffes de molinie où déjà j’aperçois les premières gouttes de sang. Il est aisé de suivre les premières dizaines de mètres. Nous décidons de faire les « grands devants », c'est-à-dire de longer l’allée de bordure pour voir si l’animal a sauté…
Sur cette allée, nous rejoint Laurent qui a bien aperçu un sanglier se dérobant, « mal en point » d’après ces dires, et qui à dû passer « là, sur cette coulée entre deux bouleaux ». Nous suivons donc cette coulée, qui nous amène bien à cette allée de limite. De l’autre côté c’est le voisin… Nous dissertons sur la conduite à tenir, lorsque Laurent semble sentir comme une odeur de « goudron »… ? Il porte le regard presque à ses pieds et à deux mètres, la bête noire de Sologne est là, immobile, sans aucun souffle, juste quelques gouttes de sang au dessus de l’omoplate gauche, là où le matador porte son estocade…
Un fort moment de bonheur intense partagé avec mes compagnons de recherche, vient achever cette action de chasse. La journée se solde par une extraordinaire chasse et des souvenirs plein la tête…mais je laisse le soin aux auteurs de deux autres belles flèches d’y aller de leurs plumes !
Un grand merci à notre hôte, à nos rabatteurs(euses), et à Valérie pour ses belles photos !
Distance de tir 5m, distance de fuite 150m. Atteinte poumon, gros vaisseaux du cœur, la lame traverse le sternum et s’arrête dans le radius.
Arc « Spoiler » de chez Ben Pearson « vintage 1989 » 63 #, pas de viseur, pas de décocheur, tube carbone alourdi tuyau plastique, lame Zwickey Eskimo.
Philippe Lavallart
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